Le jour par jour

1898   9 septembre   

Stéphane Mallarmé, poète français, décédé à l’âge de 56 ans.

Étienne Mallarmé, dit Stéphane Mallarmé, né à Paris le 18 mars 1842 et mort à Valvins (commune de Vulaines-sur-Seine, Seine-et-Marne) le 9 septembre 1898, est un poète français.

Auteur d’une œuvre poétique ambitieuse et rendue (souvent volontairement) obscure, Stéphane Mallarmé a été l’initiateur d’un renouveau de la poésie dont l’influence se mesure encore de nos jours auprès de poètes contemporains comme Yves Bonnefoy. À la fin du XIXe siècle, Mallarmé fait entrer la poésie dans l’ère de la modernité.

En lisant Hegel, Mallarmé a découvert que si « le Ciel est mort », le néant est un point de départ qui conduit au Beau et à l’Idéal. À cette philosophie devait correspondre une poétique nouvelle qui dise le pouvoir sacré du Verbe. Par le rythme, la syntaxe et le vocabulaire rare, Mallarmé crée une langue qui ressuscite « l’absence de tous bouquets ». Le poème devient un monde refermé sur lui-même dont le sens naît de la résonance. Le vers se fait couleur, musique, richesse de la sensation, « concours de tous les arts suscitant le miracle ». C’est avec Mallarmé que la « suggestion » devient le fondement de la poétique antiréaliste et fait du symbolisme un impressionnisme littéraire.

« La Poésie est l’expression, par le langage humain ramené à son rythme essentiel, du sens mystérieux des aspects de l’existence : elle doue ainsi d’authenticité notre séjour et constitue la seule tâche spirituelle. »

« (…) Qui parle autrement que tout le monde risque de ne pas plaire à tous ; mieux, de passer pour obscur aux yeux de beaucoup. (…) L’attrait de cette poésie tient à ce qu’elle est vécue comme un privilège spirituel : elle semble élever au plus haut degré de qualité, moyennant l’exclusion de la foule profane, cette pure joie de l’esprit que toute poésie promet. »

(Selon Mallarmé, Paul Bénichou, Gallimard, 1995)

Biographie

Il perd sa mère en 1848 et est confié à ses grands-parents. Mis en pension dès 1852, il se montra un élève médiocre, et fut renvoyé en 1855. Pensionnaire au lycée de Sens, il fut marqué par le décès de sa sœur Maria en 1855. À cette même époque, il composa ses premiers poèmes d’adolescence, recueillis dans Entre deux murs, textes encore fortement inspirés par Victor Hugo, Théodore de Banville ou encore Théophile Gautier. La découverte des Fleurs du mal de Charles Baudelaire en 1860 fut marquante et influença ses premières œuvres. Cette même année, Mallarmé entre dans la vie active en devenant surnuméraire à Sens, « premier pas dans l’abrutissement » selon lui. En 1862, quelques poèmes paraissent dans différentes revues. Il fait la connaissance d’une jeune gouvernante allemande à Sens, Maria Gerhard, née en 1835, et quitta son emploi pour s’installer à Londres avec elle, ayant l’intention de devenir professeur d’anglais.

Réformé du service militaire en 1863, Stéphane Mallarmé se marie à Londres avec Maria le 10 août et obtient en septembre son certificat d’aptitude à enseigner l’anglais. En septembre, il est nommé chargé de cours au lycée impérial de Tournon (Ardèche), où il se considère comme exilé. Il ne cesse durant cette période de composer ses poèmes, comme Les fleurs, Angoisse, «Las d’un amer repos…». Durant l’été 1864, Mallarmé fit la connaissance à Avignon des félibres, poètes de langue provençale : Théodore Aubanel, Joseph Roumanille et Frédéric Mistral, avec qui il entretint une correspondance. Sa fille Geneviève naît à Tournon le 19 novembre 1864.

L’année suivante, il compose L’Après-midi d’un faune, qu’il espère voir représenter au Théâtre-Français, mais qui fut refusée. Il se lie avec le milieu littéraire parisien, notamment avec Leconte de Lisle et José-Maria de Heredia.

L’année 1866 marqua un tournant pour Mallarmé, lors d’un séjour à Cannes chez son ami Eugène Lefébure où il fut l’objet d’une période de doute absolue qui dura jusqu’en 1869. Nommé professeur à Besançon, il débuta en novembre une correspondance avec Paul Verlaine. En 1867, nommé à Avignon, il commença la publication de ses poèmes en prose, il fit un séjour chez Frédéric Mistral à Maillane en 1868. Il débuta en 1869 l’écriture de Igitur, conte poétique et philosophique, laissé inachevé, qui marque la fin de sa période d’impuissance poétique débutée en 1866. En 1870, il se met en congé de l’éducation, et se réjouit de l’instauration de la République en septembre. Son fils Anatole naît le 16 juillet 1871 à Sens et, nommé à Paris au Lycée Fontanes, il s’installe rue de Moscou.

Mallarmé fait la rencontre d’un jeune poète en 1872, Arthur Rimbaud, puis, en 1873 du peintre Édouard Manet, qu’il soutint lors du refus des œuvres de celui-ci lors du Salon de 1874 et qui lui fait rencontrer Zola. Mallarmé publie la revue La dernière mode qui aura huit numéros et dont il fut le correcteur. Nouveau refus en juillet 1875 pour la publication de sa nouvelle version de L’après-midi d’un faune, qui parut tout de même l’année suivante, illustrée par Manet. Il préface la réédition du Vathek de William Beckford. Dès 1877, les réunions du mardi sont organisées chez Mallarmé. Il fait la rencontre de Victor Hugo en 1878 et publie en 1879 un ouvrage sur la mythologie Les dieux antiques. Cette année est marquée par la mort de son fils Anatole, le 8 octobre 1879. En 1880, Mallarmé malade fait des séjours à Valvins, commune de Vulaines-sur-Seine, près de Fontainebleau.

Mallarmé par E.Manet
En 1884, Paul Verlaine fait paraître le troisième article des poètes maudits consacré à Mallarmé, ouvrage qui parut en 1884, tout comme le livre de Joris-Karl Huysmans, À rebours, où le personnage principal, des Esseintes, voue une vive admiration aux poèmes de Mallarmé, ces deux ouvrages contribuèrent à la notoriété du poète. Stéphane Mallarmé est nommé au lycée Janson de Sailly. En 1885, Mallarmé évoque l’explication orphique de la Terre. Son premier poème sans ponctuation paraît en 1886, M’introduire dans ton histoire. La version définitive de L’Après-midi d’un faune est publiée en 1887. En 1888, sa traduction des poèmes d’Edgar Allan Poe paraît. De nouveau atteint de rhumatisme aigu en 1891, Mallarmé est en congé et obtient une réduction de son temps de travail. Il rencontre Oscar Wilde, Paul Valéry qui devint un invité fréquent des Mardis. En 1892, à la mort du frère d’Édouard Manet, Mallarmé devient tuteur de sa fille, Julie Manet, dont la mère est la peintre Berthe Morisot. C’est à cette époque que Claude Debussy débute la composition de sa pièce Prélude à l’après-midi d’un faune, qui fut présentée en 1894. Mallarmé obtient sa mise en retraite en novembre 1893, donne des conférences littéraires à Cambridge et Oxford en 1894. Mallarmé assiste aux obsèques de Paul Verlaine, décédé le 8 janvier 1896, il lui succède comme Prince des poètes.

En 1898, Mallarmé se range aux côtés d’Émile Zola qui publie dans le journal L’Aurore, le 13 janvier, son article J’accuse en faveur du Capitaine Alfred Dreyfus (cf. Affaire Dreyfus). Le 8 septembre 1898, Mallarmé est victime d’un spasme du larynx qui manque de l’étouffer. Il recommande dans une lettre à sa femme et à sa fille de détruire ses papiers et ses notes, déclarant : « Il n’y a pas là d’héritage littéraire… ». Le lendemain, victime du même malaise il meurt. Il est enterré auprès de son fils Anatole au cimetière de Samoreau.

Œuvres

L’Après-midi d’un faune (1876)
Préface au Vathek de William Beckford (1876)
Petite philologie, les mots anglais (1877)
Les Dieux antiques (1880)
Album de vers et de prose (1887)
Pages (1891)
Oxford, Cambridge, la musique et les lettres (1895)
Divagations (1897)

Publications posthumes

Poésies (1899)
Un coup de dés jamais n’abolira le hasard (1914)
Vers de circonstance (1920)
Igitur (1925)
Contes indiens (1927)

Traductions

Le Corbeau d’Edgar Poe (The Raven), traduction française de Stéphane Mallarmé avec illustrations par Édouard Manet, Éditions Richard Lesclide, Paris, 1875.
L’Étoile des fées de Mme W.C. Elphinstone Hope, 1881.
Poèmes d’Edgar Poe, 1888.
Le Ten o’clock de M. Whistler, 1888.

Les anecdotes sur Stéphane Mallarmé

A sa mémoire
Il existe un Musée Mallarmé, à Vulaines sur Seine, dans sa dernière demeure.

Trois hommes et un Faune
Voulant illustrer le poème de Mallarmé (‘L’Après midi d’un Faune’) , Claude Debussy compose son ‘Prélude à l’après-midi d’un faune’ entre 1892 et 1894, musique qui sera par la suite chorégraphiée par Nijinski en 1911. La musique est bien reçue, mais le ballet fait scandale.

Les citations de Stéphane Mallarmé

«Les chats sont des êtres faits pour emmagasiner la caresse.»
[ Stéphane Mallarmé ]

«Sait-on ce que c’est qu’écrire ? Une ancienne et très vague mais jalouse pratique dont gît le sens au mystère du coeur.»
[ Stéphane Mallarmé ] – Quelques médaillons et portraits en pied

«Mal inspiré celui qui se crierait son propre contemporain.»
[ Stéphane Mallarmé ]

«Cette foule hagarde ! Elle annonce : Nous sommes la triste opacité de nos spectres futurs.»
[ Stéphane Mallarmé ] – Toast funèbre

«L’amour, quel autre mot pourrait donc venir donner une enveloppe verbale adaptée de nos spiritualités à l’intime accord qui compose la nature des choses et au rythme grave et grand qui réalise tout l’univers.»
[ Stéphane Mallarmé ]

«Ecrire, c’est déjà mettre du noir sur du blanc.»
[ Stéphane Mallarmé ]

«Un poème est un mystère dont le lecteur doit chercher la clef.»
[ Stéphane Mallarmé ]

«La chair est triste hélas, et j’ai lu tous les livres.»
[ Stéphane Mallarmé ]

«Nommer un objet, c’est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème qui est faite du bonheur de deviner peu à peu ; le suggérer, voilà le rêve.»
[ Stéphane Mallarmé ] – Extrait de l’ Enquête sur l’évolution littéraire

«Oui, je le sais, nous ne sommes que de vaines formes de la matière, mais bien sublimes pour avoir inventé Dieu et notre âme.»
[ Stéphane Mallarmé ] – Correspondance 1862-1871

«Vaincre le hasard mot pour mot.»
[ Stéphane Mallarmé ]

«Triste fleur qui croît seule et n’a pas d’autre émoi Que son ombre dans l’eau vue avec atonie.»
[ Stéphane Mallarmé ] – Extrait d’ Hérodiade

«Un livre, dans notre main, s’il énonce quelque idée auguste, supplée à tous les théâtres, non par l’oubli qu’il en cause mais les rappelant impérieusement au contraire.»
[ Stéphane Mallarmé ]

«Dire au peintre qu’il faut prendre la nature comme elle est, vaut de dire au virtuose qu’il peut s’asseoir sur le piano.»
[ Stéphane Mallarmé ] – Le Ten O’clock de Monsieur Whistler

«Poésie : un aboli bibelot d’inanité sonore Hésitation prolongée entre le son et le sens.»
[ Stéphane Mallarmé ]

«Peindre non la chose mais son effet.»
[ Stéphane Mallarmé ] – Cité dans Art game book

«Toute âme est une mélodie qu’il s’agit de renouer.»
[ Stéphane Mallarmé ]

«Oh ! Pour faire, Seigneur, un seul de tes sourires, Combien faut-il donc de nos pleurs ?»
[ Stéphane Mallarmé ] – Poèmes d’enfance et d’adolescence

«Un coup de dés jamais n’abolira le hasard.»
[ Stéphane Mallarmé ]

«Ce n’est pas avec des idées qu’on fait des vers, c’est avec des mots.»
[ Stéphane Mallarmé ] – Variété

«Un grand écrivain se remarque au nombre de pages qu’il ne publie pas.»
[ Stéphane Mallarmé ]

«Tout écrivain complet aboutit à un humoriste !»
[ Stéphane Mallarmé ] – Théâtre, je t’adore

«Le monde est fait pour aboutir à un beau livre.»
[ Stéphane Mallarmé ]

La bibliographie de Stéphane Mallarmé

Poésies
de Stéphane Mallarmé
Résumé du livre
"Si éclairés que nous prétendions être, chacun dans son domaine, nous voici soudain troublés par cette parole la plus calme et la plus ardente qui soit, et rejetés en pleines ténèbres, obligés d’interroger à nouveau ce qui nous entoure et d’examiner à nouveau ce que nous sommes nous-mêmes…"Une démarche savante et mesurée règle la poésie de Mallarmé, qui, jusque dans ses élans les plus libres et même ses jeux les plus déliés, garde une tenue, une réserve, une densité et une dignité qui attestent la nécessité intérieure qui la motive et la gouverne. Poésie dont le centre de gravité est le foyer d’une destinée. Elle déclare, non seulement dans son objet, mais dans sa nature et sa structure, la connexion la plus rare entre le verbe et la vie – j’ajoute aussitôt : la vie la plus consciente.".

L’Après-Midi d’un faune

Cette longue pièce sous-titrée églogue (c’est-à-dire poème pastoral) est destinée, selon Mallarmé, à la scène. Il travaille sur ce projet dès 1865. On trouvera profit à écouter le Prélude de Debussy, sommet de la musique française.

Le Faune :
Ces nymphes, je les veux perpétuer.

Si clair,
Leur incarnat léger, qu’il voltige dans l’air
Assoupi de sommeils touffus.

Aimai-je un rêve ?
Mon doute, amas de nuit ancienne, s’achève
En maint rameau subtil, qui, demeuré les vrais
Bois même, prouve, hélas ! que bien seul je m’offrais
Pour triomphe la faute idéale de roses.

Réfléchissons…

ou si les femmes dont tu gloses
Figurent un souhait de tes sens fabuleux !
Faune, l’illusion s’échappe des yeux bleus
Et froids, comme une source en pleurs, de la plus chaste :
Mais, l’autre tout soupirs, dis-tu qu’elle contraste
Comme brise du jour chaude dans ta toison ?
Que non ! par l’immobile et lasse pâmoison
Suffoquant de chaleurs le matin frais s’il lutte,
Ne murmure point d’eau que ne verse ma flûte
Au bosquet arrosé d’accords ; et le seul vent
Hors des deux tuyaux prompt à s’exhaler avant
Qu’il disperse le son dans une pluie aride,
C’est, à l’horizon pas remué d’une ride
Le visible et serein souffle artificiel
De l’inspiration, qui regagne le ciel.

O bords siciliens d’un calme marécage
Qu’à l’envi de soleils ma vanité saccage
Tacite sous les fleurs d’étincelles, CONTEZ
« Que je coupais ici les creux roseaux domptés
" Par le talent ; quand, sur l’or glauque de lointaines
" Verdures dédiant leur vigne à des fontaines,
" Ondoie une blancheur animale au repos :
" Et qu’au prélude lent où naissent les pipeaux
" Ce vol de cygnes, non ! de naïades se sauve
" Ou plonge…

Inerte, tout brûle dans l’heure fauve
Sans marquer par quel art ensemble détala
Trop d’hymen souhaité de qui cherche le la :
Alors m’éveillerai-je à la ferveur première,
Droit et seul, sous un flot antique de lumière,
Lys ! et l’un de vous tous pour l’ingénuité.

Autre que ce doux rien par leur lèvre ébruité,
Le baiser, qui tout bas des perfides assure,
Mon sein, vierge de preuve, atteste une morsure
Mystérieuse, due à quelque auguste dent ;
Mais, bast ! arcane tel élut pour confident
Le jonc vaste et jumeau dont sous l’azur on joue :
Qui, détournant à soi le trouble de la joue,
Rêve, dans un solo long, que nous amusions
La beauté d’alentour par des confusions
Fausses entre elle-même et notre chant crédule ;
Et de faire aussi haut que l’amour se module
Évanouir du songe ordinaire de dos
Ou de flanc pur suivis avec mes regards clos,
Une sonore, vaine et monotone ligne.

Tâche donc, instrument des fuites, ô maligne
Syrinx, de refleurir aux lacs où tu m’attends !
Moi, de ma rumeur fier, je vais parler longtemps
Des déesses ; et par d’idolâtres peintures
À leur ombre enlever encore des ceintures :
Ainsi, quand des raisins j’ai sucé la clarté,
Pour bannir un regret par ma feinte écarté,
Rieur, j’élève au ciel d’été la grappe vide
Et, soufflant dans ses peaux lumineuses, avide
D’ivresse, jusqu’au soir je regarde au travers.

O nymphes, regonflons des SOUVENIRS divers.
« Mon œil, trouant le joncs, dardait chaque encolure
" Immortelle, qui noie en l’onde sa brûlure
" Avec un cri de rage au ciel de la forêt ;
" Et le splendide bain de cheveux disparaît
" Dans les clartés et les frissons, ô pierreries !
" J’accours ; quand, à mes pieds, s’entrejoignent meurtries
" De la langueur goûtée à ce mal d’être deux)
" Des dormeuses parmi leurs seuls bras hasardeux ;
" Je les ravis, sans les désenlacer, et vole
" À ce massif, haï par l’ombrage frivole,
" De roses tarissant tout parfum au soleil,
" Où notre ébat au jour consumé soit pareil.
Je t’adore, courroux des vierges, ô délice
Farouche du sacré fardeau nu qui se glisse
Pour fuir ma lèvre en feu buvant, comme un éclair
Tressaille ! la frayeur secrète de la chair :
Des pieds de l’inhumaine au cœur de la timide
Qui délaisse à la fois une innocence, humide
De larmes folles ou de moins tristes vapeurs.
" Mon crime, c’est d’avoir, gai de vaincre ces peurs
" Traîtresses, divisé la touffe échevelée
" De baisers que les dieux gardaient si bien mêlée :
" Car, à peine j’allais cacher un rire ardent
" Sous les replis heureux d’une seule (gardant
" Par un doigt simple, afin que sa candeur de plume
" Se teignît à l’émoi de sa sœur qui s’allume,
" La petite, naïve et ne rougissant pas : )
" Que de mes bras, défaits par de vagues trépas,
" Cette proie, à jamais ingrate se délivre
" Sans pitié du sanglot dont j’étais encore ivre.

Tant pis ! vers le bonheur d’autres m’entraîneront
Par leur tresse nouée aux cornes de mon front :
Tu sais, ma passion, que, pourpre et déjà mûre,
Chaque grenade éclate et d’abeilles murmure ;
Et notre sang, épris de qui le va saisir,
Coule pour tout l’essaim éternel du désir.
À l’heure où ce bois d’or et de cendres se teinte
Une fête s’exalte en la feuillée éteinte :
Etna ! c’est parmi toi visité de Vénus
Sur ta lave posant tes talons ingénus,
Quand tonne une somme triste ou s’épuise la flamme.
Je tiens la reine !

O sûr châtiment…

Non, mais l’âme
De paroles vacante et ce corps alourdi
Tard succombent au fier silence de midi :
Sans plus il faut dormir en l’oubli du blasphème,
Sur le sable altéré gisant et comme j’aime
Ouvrir ma bouche à l’astre efficace des vins !

Couple, adieu ; je vais voir l’ombre que tu devins.

 

Étienne Mallarmé, dit Stéphane Mallarmé photographié par Nadar en 1896

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