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1881   29 août   

Valery Larbaud, écrivain français

Valery Larbaud est un écrivain français né le 29 août 1881 à Vichy, où il mourut le 2 février 1957.

Unique enfant du pharmacien Nicolas Larbaud (59 ans à la naissance de son fils) et d’Isabelle Bureau des Etivaux (38 ans), il n’a que 8 ans quand son père décède en 1889, et il fut élevé par sa mère et sa tante. Il obtient sa licence ès-lettres en 1908. En décembre 1908, pour le prix Goncourt, Octave Mirbeau vote pour Poèmes par un riche amateur, que Larbaud a publiés sans faire connaître sa véritable identité.

La fortune familiale (son père était propriétaire de la source Vichy Saint-Yorre) lui assure une vie aisée qui lui permet de parcourir l’Europe à grands frais. Paquebots de luxe, Orient-Express, Valery Larbaud mène la vie d’un dandy et se rend dans les multiples stations thermales pour soigner une santé fragile.

Son roman Fermina Marquez, consacré aux amours de l’adolescence et souvent comparé au Grand Meaulnes d’Alain-Fournier, obtient quelques voix au Goncourt en 1911.

Il parle anglais, allemand, italien et espagnol. Il fait connaître les grandes œuvres étrangères : Samuel Butler dont il fut le traducteur ainsi que James Joyce dont il fut correcteur-superviseur pour la traduction d’Ulysse, laquelle, réalisée principalement par Auguste Morel à partir de 1924, continue jusqu’en 1929.

Quand il revient à Vichy, il reçoit ses amis, Charles-Louis Philippe, André Gide, Léon-Paul Fargue et Jean Aubry qui fut son biographe. Atteint d’hémiplégie et d’aphasie en novembre 1935, il passe les vingt-deux dernières années de sa vie cloué dans un fauteuil. Il sera durant ces années soigné avec dévouement par le professeur Théophile Alajouanine, spécialiste des aphasies, qui deviendra son ami et écrira sa biographie. Ayant dépensé toute sa fortune, il doit revendre ses propriétés et sa bibliothèque de quinze mille volumes en 1948, en viager, à la ville de Vichy. Il décède à Vichy en 1957, sans descendance.

L’association internationale des Amis de Valery Larbaud décerne chaque année un prix littéraire attribué à l’auteur du livre « que Larbaud aurait aimé lire ». Le Centre culturel de Vichy, en 1985 et le nouveau Lycée professionnel de Cusset, en 1999, portent son nom. La médiathèque de la ville conserve son mobilier et sa riche bibliothèque (reliures marquées "VL") et organise des visites du plus haut intérêt culturel.

Grand lecteur, grand traducteur il s’était entouré de livres qu’il avait fait relier selon leurs langues : les romans anglais en bleu, les espagnols en rouge, etc. Sa chambre de douleur était un arc en ciel.

Un voyageur européen

Il n’a jamais connu de soucis d’argent, mais de santé, oui. Contraint de voyager pour des cures dans son jeune âge, Larbaud continua à sillonner l’Europe autant pour échapper à l’emprise de sa mère que pour élargir ses horizons.

Les plus beaux titres de roman peuvent être des titres de séjour: Londres, Istanbul, Gênes, Lisbonne. Quand les feuillets morts des livres d’automne se ramassent à la pelle, et les lauriers aussi, c’est vers ces titres-là qu’on a envie de retourner, sur les pas de grands écrivains. Curiosité de retrouver dans leur allure d’autrefois des lieux que l’industrie touristique a contraints au rendement, donc au changement. A cet égard Valery Larbaud surpasse bien des guides.

A vingt-sept ans, en 1908, il confia à un «riche amateur» imaginaire, un milliardaire sud-américain très lettré, Archibald Orson Barnabooth, le soin de raconter ses voyages à sa place. Cela lui donna toute licence pour exprimer les sentiments et les jugements qui font l’intérêt de Vagabond sédentaire, choix de textes qui vient de sortir dans la collection très soignée Voyager avec.

Sa mère le fit d’abord voyager pour les cures que nécessitait sa santé précaire, et elle lui donna très tôt de quoi s’offrir palaces et sleepings. Son mari – mort quand Valery avait huit ans – était le propriétaire de la source Saint-Yorre, près de Vichy. Mais, si elle permit à son fils unique de faire, à dix-sept ans, sans elle, son premier grand tour d’Europe, jusqu’à Saint-Pétersbourg, ce fut pour accompagner l’administrateur des biens et entreprises de la famille, et pour apprendre avec lui l’art de la vente. Très peu pour le jeune Larbaud. Il ne fut plus tard voyageur de Commerce que pour la revue littéraire éponyme, dirigée par la princesse Bassiano.

En vérité, il profita de ses tournées d’Europe pour se familiariser avec des coutumes et des cultures dont il devint progressivement le «représentant». D’ailleurs, dans sa propriété bourbonnaise de Valbois, les domaines linguistiques – espagnol, anglais, italien, allemand, etc. – installés dans ses différents salons-bibliothèques, il les appelait des «consulats». Rien d’étonnant à ce qu’il signalât sa présence en faisant hisser ses couleurs sur sa demeure: le bleu, le jaune et le blanc. «Passeur» en France de nombreux auteurs, dont Whitman, Svevo et Samuel Butler, il fut aussi le traducteur d’Ulysse de Joyce. Ce rôle de passeur, il le garda aussi entre écrivains et lecteurs français par son travail de critique, très ouvert aux innovations.

Mais, avant même de sillonner l’Europe, le jeune Valery était tombé amoureux de l’étranger en s’éprenant de fillettes venues de pays lointains, le plus souvent sud-américains. Elles étaient ses condisciples dans le collège très cosmopolite de Sainte-Barbe-des-Champs, à Fontenay-aux-Roses.

Beaucoup de ses oeuvres, et singulièrement les plus célèbres, Fermina Márquez et Enfantines, restent hantées par ces premières attirances.

Son ami Paul Morand a dit: «Personne n’a su parler comme Larbaud des petites filles.» Il se sent tellement «de leur âge» qu’il semble sur le fil et qu’on a le vertige pour lui. Bien avant Nabokov, il décrivit une Lolita. Qui se métamorphosa en Dona Dolores.

Valery Larbaud n’était vraiment pas beau. Cet homme lourd, timide, collectionnait les hippopotames. Ses amis lui en rapportaient de partout, qui faisaient sa fierté, comme ses innombrables soldats de plomb. Larbaud ne s’émancipa vraiment qu’à la mort de sa mère, «reine de l’ordre». Il avait rompu avec le protestantisme de cette possédante si possessive et s’était converti au catholicisme, mais il n’aurait pas pu couper les ponts sans se voir couper les vivres. Sa liberté de mouvement ne dura pas très longtemps: terrassé par un accident cérébral à cinquante-quatre ans, il resta hémiplégique et aphasique jusqu’à sa mort, vingt et un ans plus tard.

Ces textes nous font revivre toutes les grandes étapes de sa vie et nous permettent d’accompagner cet Européen, qui n’alla jamais en Amérique et ne quitta le Vieux Continent que pour deux séjours en Afrique du Nord. Ils montrent aussi, ces textes, à chaque instant, la place primordiale occupée par la littérature. De passage à Recanati, en Italie, il évoque fraternellement un garçon encore plus malade, plus incompris, plus surveillé et plus riche que lui: Leopardi. «Imaginez, écrit-il, cette famille, ce milieu, la résolution prise de faire vieillir leur fils dans une interminable enfance, penché et courbé sur ses livres et ses cahiers, épié, redouté comme l’héritier qui pourrait «manger» le patrimoine si on le laissait libre.»

C’est pour échapper à un tel sort que Larbaud s’était fait voyageur. Mais avant d’y rester bloqué par la maladie, ce Vichyssois avait effectué volontairement un retour aux sources, qui lui inspira les belles pages de Retirance. Il appelait son département natal «le pays d’Allen». Pour l’Allier, c’est quand même mieux qu’Alien, même si la province lui sembla d’abord un monstre dévorant, tout à fait étranger à ses aspirations.

Ne ratez pas l’occasion que vous offre ces textes, qui vous permettront de séjourner avec Larbaud à Chelsea, Genève, Alicante, Naples, Lausanne. Et à Bourbon-l’Archambault.

Les citations de Valéry Larbaud

«La gloire n’est qu’une des formes de l’indifférence humaine.»
[ Valéry Larbaud ] – Ce vice impuni, la lecture

«La botanique qu’on nous apprend est peut-être une science inventée exprès pour exercer l’esprit des écoliers ? Qui sait si le latin n’est pas une grande supercherie pédagogique ?»
[ Valéry Larbaud ] – Enfantines

«Triste mot : touristes. Les étrangers, séparés de la vie du pays par la couche atmosphérique qu’ils transportent avec eux : habitudes, intérêts, bavardages de leur ville, jargon de leur secte.»
[ Valéry Larbaud ] – Mon plus secret conseil…

«Ah ! Gardons le plus longtemps possible la pitié, c’est le plus bel assaisonnement de la vie pour nous autres milliardaires.»
[ Valéry Larbaud ] – Propos de table et anecdotes de Monsieur Barnabooth

«Nous avons beau faire, nous ne pouvons pas être absolument naturels, et nous n’avons pas grand avantage à l’être.»
[ Valéry Larbaud ] – Extrait des Amants

«Ce qui nous rebutait le plus dans nos études, c’était l’inutilité de nos travaux. Toujours s’exercer et ne jamais rien faire.»
[ Valéry Larbaud ] – Enfantines

«La femme est une grande réalité, comme la guerre.»
[ Valéry Larbaud ] – Extrait d’ A. O. Barnabooth

«On croit pardonner, et ce n’est que faiblesse.»
[ Valéry Larbaud ] – Extrait d’ Amants, heureux amants

«L’art est encore la seule forme supportable de la vie ; la plus grande jouissance, et celle qui s’épuise le moins vite.»
[ Valéry Larbaud ] – Extrait d’ A.O. Barnabooth

«Ne rien trouver ridicule est le signe de l’intelligence complète.»
[ Valéry Larbaud ] – A.O. Barnabooth

«Les liaisons commencent dans le champagne et finissent dans la camomille.»
[ Valéry Larbaud ] – Les poésies de A. O. Barnabooth

«Je n’ai jamais pu voir les épaules d’une jeune femme sans songer à fonder une famille.»
[ Valéry Larbaud ] – Les Poésies de A. O. Barnabooth

«Et où que j’aille, dans l’univers entier, Je rencontre toujours, Hors de moi comme en moi, L’irremplissable Vide, L’inconquérable Rien.»
[ Valéry Larbaud ] – Les Poésies de A. O. Barnabooth

«Vous connaissez le dicton français : noblesse oblige. Eh bien, c’est toute la définition de la noblesse : elle oblige et ne fait pas autre chose.»
[ Valéry Larbaud ] – Les Poésies de A. O. Barnabooth

«La bêtise a ceci de terrible qu’elle peut ressembler à la plus profonde sagesse.»
[ Valéry Larbaud ] – Fermina Marquez

«Mais j’aimais le goût des larmes retenues, de celles qui semblent tomber des yeux dans le coeur, derrière le masque du visage.»
[ Valéry Larbaud ]

«J’ai des souvenirs de villes comme on a des souvenirs d’amours.»
[ Valéry Larbaud ]

«Tout idéal, dès qu’il est formulé, prend un aspect désagréablement scolaire.»
[ Valéry Larbaud ] – Jaune, bleu, blanc

Bibliographie

Fermina Marquez
de Valéry Larbaud
Roman

Résumé du livre
Tous ceux qui l’approchaient, tous ceux aux-quels elle parlait, ceux qui jouaient avec elle, formaient, autour d’elle, une sorte de cour d’amour; c’étaient ses chevaliers. Les chevaliers de Fermina Mârquez, donc, étaient admirés de tous les élèves, et peut-être même des plus jeunes parmi les surveillants. De ces belles promenades dans le parc, nous ne rapportions plus l’odeur du tabac fumé en cachette, mais le parfum des petites Américaines. Etait-ce le géranium ou le réséda ?

 

Ainsi va toute chair
de Samuel Bulter
Traduction de Valéry Larbaud
Roman

Résumé du livre
Dans ce grand roman, chef-d’œuvre de la littérature anglaise du XIXe siècle, Samuel Butler retrace l’histoire d’une famille pendant plusieurs générations, en étudiant minutieusement les relations entre les pères et leurs fils : de John Pontifex, menuisier de village, à Ernest, obligé de devenir pasteur et qui connaîtra le malheur et la prison avant de trouver l’amour et la paix.
Découvert et traduit par Valery Larbaud, un livre qui a fait scandale en dénonçant la cruauté et la tyrannie des institutions familiales dans l’Angleterre puritaine.

Les poésies de A. O. Barnabooth
de Valéry Larbaud
Commentaires
Par J-michel Tartayre (Toulouse, France)
« Les Poésies de A.O. Barnabooth » se composent de deux parties : « Les borborygmes » et « Europe » dans lesquelles Valery Larbaud évoque, par le biais de son personnage A.O. Barnabooth, ses voyages à travers le monde dans des poèmes en vers libres et en vers réguliers où le lyrisme émane de deux types majeurs de discours : le discours narratif et le discours descriptif. Il s’agit d’un recueil qui invite au dépaysement, à l’image de ces vers extraits d’« Europe » : « Des villes, et encore des villes ; / J’ai des souvenirs de villes comme on a des souvenirs d’amours : / À quoi bon en parler ? Il m’arrive parfois, / La nuit, de rêver que je suis là, ou bien là, / Et au matin je m’éveille avec un désir de voyage. » Par ailleurs, la préface de Robert Mallet est éclairante à au moins trois points de vue : elle nous renseigne sur la vie de Larbaud, sur son personnage Barnabooth et sur la notion de borborygmes, titre de la première partie de l’ouvrage, desquels Larbaud dira qu’ils sont « cette seule voix humaine qui ne mente pas ». Et Robert Mallet corrobore cette citation en écrivant qu’ « il y a chez Barnabooth l’inquiétude et le besoin de se rencontrer soi, dans sa double vérité de borborygme et d’âme. » À ce recueil s’ajoutent « Poésies diverses » et « Les Poésies de A.O. Barnabooth » éliminées de l’édition de 1913.

Par "laurentangard"
Quel virtuose des mots et des sensations. On se laisse porter par sa poésie descriptive, celle des villes et des gens. Les objets prennent vie, et nous tanguons avec eux.
Ma préférée : la gare de Cahors ! Allez la voir, elle est enchantée.

Du navire d’argent
de Valery Larbaud
[Littérature française XXe]
Présentation
Valery Larbaud a été le premier grand " passeur " en France de la littérature d’Amérique latine. Mais il s’es employé aussi à faire connaître la littérature française e Argentine. En 1923, il accepte une proposition de La Nacion, le quotidien de Buenos Aires. Pendant trois ans, il envoie au journal un article mensuel sur la littérature française. Vingt-trois en tout, rédigés directement en espagnol. " Tout ce que j’avais écrit en espagnol jusqu’à ce moment-là, dit-il en s’excusant, c’était quelques lettres amicales ou d’affaires, et quelques billets doux. " Il a repris certaines de ses chroniques dans le recueil intitulé Ce vice impuni, la lecture : domaine français. Pour La Nacion, il ne prétend pas exercer la fonction de critique, mais plutôt celle d’informateur qui va initier à la littérature française des lecteurs se situant à tous les degrés de culture. Il dresse un plan de campagne presque militaire, en faisant défiler des recueils d’histoire littéraire, puis des articles sur la poésie contemporaine, et d’autres sur les précurseurs. Enfin, " quatrième et dernier corps d’armée (Réserve, Garde Royale, Bataillon Sacré) : une série de huit chroniques sur d’anciens poètes : XVe, XVIe, XVIIe siècle. " Il n’oublie pas de lancer, comme " une vague d’assaut irrésistible ", ce qu’il appelle " la brigade des amazones ". Il met à sa tête Louise Labbé, la Belle Cordière, et " la grande Deshoulières ", la poétesse élégiaque du XVIIe siècle, que ses contemporains appelaient la Dixième Muse, et dont il cite, avec de vifs éloges, un rondeau intitulé Entre deux draps. Ainsi, ces articles destinés au public d’un quotidien étranger traitent parfois d’auteurs qu’en France même, de rares érudits sont seuls à connaître. Larbaud a eu l’intention de publier en livre, à Buenos Aires, l’ensemble des articles de La Nacion. Il avait trouvé un titre : Desde la Nave de Plata. Le Navire d Argent, ce n’est sans doute pas sans intention. C’était le titre d’une revue fondée par Adrienne Monnier. Et le Navire d’argent transportait dans ses cales, jusqu’aux rives du Rio de la Plata, la littérature française

Le vagabond sédentaire
de Valéry Larbaud

Ecrivain voyageur par excellence, Larbaud, enfant, transformait déjà le vaste jardin de la propriété familiale de Vichy en île déserte à explorer. Avant sa majorité, sa mère lui aura fait découvrir l’Espagne, l’Italie, l’Angleterre, il sera allé jusqu’à Istanbul et Saint-Pétersbourg

 

 

 

Valery Larbaud à Alicante,1918-1919

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